Le Ballet Royal de la Nuit, un article de Chloé Bouvard, seconde arts du son

vendredi 8 décembre 2017
par  Marie-Line Bouhatous

Le 23 février 1653, apparait sur la scène de l’hôtel du Petit Bourbon Louis XIV, dans son majestueux costume de soleil.
«  Languissante clarté, cachez-vous dessous l’onde
Faites place à la Nuit la plus belle du monde.
 »
Le « Ballet Royal de la Nuit » conte les péripéties nocturnes de la vie parisienne tout en faisant allusion à diverses divinités mythiques. Mais derrière ce poétique récit se cache une propagande politique : ce ballet de cour fut créé pour exprimer la puissance de la France et la magnificence de son jeune monarque, qui, âgé d’à peine 15 ans, portait déjà l’apparat d’Apollon.
Lors de sa création en 1653, le ballet eu tant de succès que la salle du Petit Bourbon se trouva bondée par un public en extase. Depuis lors, l’œuvre tomba dans l’oubli, jusqu’à ce que Sébastien Daucé, organiste et chef de l’ensemble baroque « Correspondance », se mette au défi de la reconstituer. Et ce n’est pas mince affaire que de restituer une pièce qui depuis plusieurs siècles s’est disloquée,laissant ici une confuse partition de musique, là un ambigu script de poèmes et ailleurs un carnet de dessin élimé.
L’objectif que s’est fixé Sébastien Daucé est ambitieux : arrivera-t-il à faire revivre ce monument endormi depuis bien longtemps ?

On pourrait être frustré que la représentation ne consigne pas la danse et se « contente » de nous livrer une reconstitution uniquement musicale. Mais bien vite ce manque est comblé par la démonstration des musiciens : ils ne se limitent pas à jouer leurs notes, ils les vivent. Debout pour la plupart, ils se balancent en même temps que la mélodie, le sourire aux lèvres.
Ils exécutent les notes et leurs ornements avec tant de facilité sur ces instruments d’époque très « étranges » que c’en est impressionnant. On observe avec fascination ces instruments anciens et insolites : entre les violons et leurs minuscules archets tendus tels des arcs, les luths et théorbes qui pourraient s’apparenter à des « guitares » avec un immense manche, les violes de gambe et le percussionniste qui fait tourner la manivelle de la machine à vent et résonner des coups de tonnerres, chacun retombe en enfance et se voit émerveillé. On peut ainsi constater la magistrale évolution des techniques instrumentales au cours des siècles.
Sébastien Daucé est, quant à lui, spectaculaire : Il réussit à guider ses musiciens tout en intervenant à l’orgue !
Parlons maintenant des chanteurs : lorsqu’ils entrent sur scène, la tête haute, l’allure fière, la démarche assurée, ils font tout de suite sensation. Quand l’alto dans sa belle robe longue, apparait sous le rôle de la Nuit, l’émotion est à son comble. Elle exhibe une très belle voix puissante parfaitement maitrisée, qui impose le respect, à l’image du texte qu’elle déclame : en effet, tout au long du ballet, elle assumera des rôles prestigieux. S’oppose ensuite à cette voix vigoureuse une soprano à la voix claire et lumineuse, qui semble plus insouciante. Ainsi s’enchainent des airs magiques, où les chanteurs portent différents rôles et relatent les nocturnes parisiennes, des conflits de divinités, des textes faisant évidement toujours l’éloge du « plus grand roi du monde », alias « Jeune Louis ».

A la fin de la première partie, le tonnerre d’applaudissements qui retentit illustre l’enthousiasme des spectateurs.
Cependant, on pourrait reprocher à cette représentation sa longueur : certaines personnes risqueraient d’être lassées d’entendre de cette musique tout de même assez redondante durant 2h30… S’il y avait une autre critique à faire, ce serait la disposition de l’orchestre sur le plateau : si la plupart des places offrent une belle vue sur l’ensemble, du côté droit de la salle la visibilité n’est pas très bonne du fait de l’orientation des musiciens plutôt vers la gauche.
Mais lors du grand ballet final l’ennui retombe au son du chœur, qui, réuni au complet, résonne pour annoncer l’entrée du roi. Le public repart, certes fatigué, mais le sourire aux lèvres et déconcerté par cet impressionnant concert.


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