Le Ballet Royal de la Nuit, un article de...

vendredi 8 décembre 2017
par  Marie-Line Bouhatous

Le 29 novembre dernier, 35 élèves de seconde arts du son, option et spécialité musique ont assisté à la représentation du Ballet Royal de la Nuit interprété par l’ensemble « Correspondances », dirigé par Sébastien Daucé.

« Le Ballet royal de la nuit » est une œuvre baroque datant de 1653, un de ces grands divertissements que l’on appelle à l’époque « ballet de cour ». La musique a été composée par Michel Lambert, Jean de Cambefort et Lully. En 1653, Louis XIV a 15 ans, et le royaume traverse une période de troubles. Au delà son caractère artistique,l’enjeu de ce ballet est considérable puisqu’il doit asseoir le pouvoir du jeune Louis, alors assisté dans l’exercice de ses fonctions par le cardinal Mazarin.
A l’origine, ce ballet est un spectacle grandiose, mêlant poésie, musique, chorégraphie et scénographie. La représentation à laquelle nous avons assisté était quant à elle uniquement musicale, ce qui, certes, enlève peut-être un peu de sa majesté à cette œuvre, qui n’en est pas moins impressionnante pour autant.
Le livret, écrit par Isaac de Benserade, est un élément fondamental de cette œuvre, que l’on pourrait qualifier d’œuvre de « propagande », bien que le terme n’existe pas à l’époque. Les paroles célèbrent l’arrivée du Roi Soleil, qui met un terme à la Nuit et fait qu’à nouveau règne l’ordre dans le royaume. Tout au long du texte, on vante les mérites du Roi, en utilisant toutes sortes de métaphores qui se rapportent toujours à cette opposition de « nuit » et de « jour ». Tout est poétique et imagé. L’Aurore, par exemple, dans la dernière partie du ballet, dit n’avoir jamais « précédé tant de lumière ». Il est aussi beaucoup question de mythologie, thème très prisé à l’époque.

L’ensemble « Correspondances », qui a interprété pour nous ce « Ballet royal de la Nuit », est un ensemble baroque. Il est caractérisé par diverses particularités. En effet, on remarque premièrement que l’effectif est beaucoup moins important que celui d’un orchestre symphonique. Les instruments ne sont pas les mêmes, bien que les musiciens jouent sur des reconstitutions d’instruments anciens, et non pas de véritables instruments d’époque. Il y a entre autres
un clavecin, une harpe baroque, deux luthistes qui changent parfois d’instruments, passant du théorbe à la guitare baroque, mais aussi deux hautbois, une saqueboute, un cornet à bouquin, des percussions, et des cordes, comme des violoncelles et violons baroques. Les violonistes jouent debout, le violon placé plus bas qu’actuellement, les violoncellistes se tiennent différemment
et leurs archets sont recourbés et nous ne sommes pas habitués aux sonorités de ces instruments.

Toutefois, le chef d’orchestre, qui joue aussi de l’orgue, ne dirige pas comme le faisaient les chefs d’orchestre à l’époque de Louis XIV, puisqu’au lieu de battre le tactus avec un grand bâton et force mouvements de bras énergiques, il se contente de battre la mesure de manière conventionnelle , et j’ai personnellement trouvé cela quelque peu décevant.
Le chœur est mixte mais la répartition des voix est elle aussi conforme aux traditions anciennes, à savoir des choristes répartis en dessus, bas-dessus, hautes-contres, tailles, basses-tailles et basses, et non pas soprano, alto, ténor et basse, comme nous en avons l’habitude. Les choristes ne sont pas non plus répartis en pupitres fixes, mais se déplacent selon les morceaux, mélangeant hommes et femmes.

Le début du concert est captivant, le percussionniste commence seul, martelant de son tambour un rythme solennel. Il est ensuite rejoint par l’ensemble au complet, et des images de danseurs à perruques frisées nous viennent à l’esprit. Cette ouverture majestueuse annonce déjà ce qui va venir, on imagine le Roi, marchant dignement, car il faut savoir que Louis XIV était un excellent danseur, et que c’est lui qui, dans le « Ballet royal de la Nuit », joue, et même danse, le rôle du dieu Apollon.
L’entrée des chanteurs est impressionnante, ils semblent tous très grands et imposants, les hommes sont vêtus de noir, et les femmes portent de grandes robes colorées.
Tour à tour, les choristes sont mis en avant, interprétant tel ou tel personnage. Parfois seuls, comme Vénus et son monologue colérique, parfois en petits groupes, comme les deux Zéphirs et le Ruisseau, magnifiquement interprétés par un trio de chanteurs, et parfois tous ensemble, comme dans All’impero d’Amore, l’un des passages en italien de cette pièce. Le principe responsorial (questions/réponses) est beaucoup utilisé, que ce soit entre deux solistes, entre un soliste et le reste du chœur, ou entre deux groupes de choristes. Par ailleurs, il y a peu d’interactions mélodiques entre l’orchestre et les chanteurs. La mélodie est débordante d’ornements en tous genres (trilles, appogiatures, fioritures...), comme il était d’usage à l’époque baroque.

Passé l’émerveillement du début du concert, il est vrai que nous avons pu lui trouver quelques longueurs. En effet, la même structure se répète inlassablement à chaque partie, appelées des entrées : le percussionniste commence seul, l’orchestre rentre, puis seules les cordes continuent, et enfin, les choristes arrivent, et avec eux l’orchestre revient au complet. Certaines parties se ressemblent beaucoup. Le texte est lui aussi répété plusieurs fois, car il fallait s’assurer que tout le monde comprenne bien le sens, puisque c’était le but de cette pièce.
Malgré cela, ce concert fut un moment merveilleux, et il est rare de pouvoir entendre « en vrai » de la musique ancienne, en particulier cette œuvre. Les choristes étaient impressionnants et transmettaient au public énormément d’émotions, autant par leur voix que par leurs gestes, et certains passages très figuratifs, notamment celui où le percussionniste recréait des bruits d’orage, étaient saisissants.


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