Der Kreidekreis (le cercle de craie) est un opéra du compositeur autrichien Alexander Von Zemlinsky (1871-1942). En 1933, l’arrivée au pouvoir des nazis rend la création de l’oeuvre impossible.
Sa programmation à l’Opéra de Lyon s’inscrit dans une politique comme toujours audacieuse : faire (re)découvrir des oeuvres méconnues ou oubliées dans des mises en scène incitant aux questionnements.
Inspiré d’un drame chinois du XIIIème siècle, reprenant lui même le Jugement de Salomon, l’opéra s’appuie sur un livret du dramaturge allemand Klabund (1890-1928).
La musique de Zemlinsky, professeur d’Arnold Schönberg, est le creuset de toutes sortes d’héritages : le classicisme (nombreux passages en écriture contrapuntique), Wagner (présence de Leitmotive), le jazz des années 30 que découvrent alors les compositeurs européens, l’emploi nouveau de la voix, qui, sans être le Sprechgesang inventé par l’élève Schönberg, fait la part belle au parlé, récité ou très emphatique. Les mélodies, en particulier tous les airs de Haï-Tang, sont de magnifiques exemples de « bel canto » quasi atonal à force d’en distendre les mélodies. Car Zemlinsky « s’accroche » à un langage post-romantique très chromatique, tandis que son élève a déjà opéré la rupture dodécaphonique, rupture qu’il ne comprend pas, puisqu’il associe ce nouveau langage à la « laideur ».
Enfin, la Chine est évoquée de façon très stylisée par quelques furtives gammes pentatoniques, ou associations de timbres évoquant les instruments traditionnels chinois, notamment l’erhu.
Les élèves ont été impressionnés par les performances vocales des chanteurs consistant à passer de façon fluide du parlé au chanté, et par la fusion acteur/chanteur. Ils ont aimé cette mise en scène entre tragédie et sensualité, les décors ingénieux, les tulles laissant place au rêve et à l’imagination. Par contre, les avis ont été partagés sur le dénouement. Pour certains élèves, le retour providentiel de Pao relève du conte de fées et affaiblit le drame. D’autre part, est ce une fin heureuse d’apprendre qu’il a violé Haï Tang pendant son sommeil ?
Richard Brunel, le metteur en scène nous donne à voir une Chine très actuelle : la maison de thé qui devient un lieu de prostitution avec karaoké, l’annonce télévisée de la mort de l’empereur sur le modèle des présentations de propagande et du culte de la personnalité , les condamnations à mort après jugements expéditifs, etc...L’oeuvre dénonce la corruption, l’injustice, les systèmes politiques inhumains,la misère et la condition de la femme achetée comme une marchandise ou répudiée si elle ne peut pas être mère.
Mais de façon plus positive, elle montre que l’amour sauve ! Il transforme les personnes : Monsieur Ma, tellement odieux au début de l’oeuvre, est métamorphosé par Haï-Tang. C’est bien l’amour d’Haï Tang pour son enfant qui l’aide à survivre, et même son frère finit par devenir un tonton affectueux !
En conclusion, ce fut une très belle soirée, d’autant plus que nous avons eu la chance d’être placés au parterre. L’oeuvre a suscité une multitude de réactions et de questions, et, concernant la mise en scène, les élèves de terminale ont pu opportunément établir des liens avec « L’affaire Tailleferre » au programme du Bac Musique 2018.
Haï Tang et son enfant : un dessin de Meriem.